L'âme au diable : littérature & autres curiosités, n° 3. Le roman noir et ses démons

Trois dessinateurs très suspects

On a mis Daniel Casanave sous la lampe pour lui faire avouer ses plus fracassants coups de crayon. Mais fidèle à son tempérament de voyou ardennais, il a tout nié en bloc. Aussi bien l'adaptation BD du célébrissime Sapiens que le récent Été brûlant à Saint-Allaire avec Franck Bouysse. Sans compter les vies d'écrivains - Nerval, Baudelaire, Verlaine ou Jarry - que Casanave, mélancolicide récidiviste, a entraîné au fil des albums dans de drôles de cavales. L'un de ses gros coups graphiques défraie à nouveau la chronique : les trois formidables tomes de L'Amérique de Kafka réédités en un seul volume chez 6 Pieds sous terre. (pp. 118, 126-127, 131)

Tanguy Dohollau tire à bulles réelles ! Qu'on en juge : si la poésie des images de Par les grèves ou de La Diagonale des jours fait sourdre de phylactères d'admiration, les amoureux de Pas à pas, à l'écoute du silence chuchotent véritablement à l'oreille du lecteur. Ces beaux albums, le peintre et dessinateur breton admet les avoir perpétrés avec deux complices et non des moindres : J. M. G. Le Clézio et Edmond Baudoin. (pp. 4, 17-25)

Depuis le premier tome d'Ô Keltia, le monde des légendes bretonnes,Sébastien Monteil a le vent en poupe. Cette belle série d'albums, où le souffle du comics et du manga attise les vieilles braises celtiques, a hypnotisé bien des yeux. Pourtant, dans le troisième opus qui vient tout juste de paraître, le bédéiste surdoué a commis une erreur fatale : celle d'avoir assassiné un korrigan en sixième page. À qui profite ce crime de breizh-majesté ? On cherchera la piste du tueur partout dans la péninsule. En commençant du côté de Morlaix... (pp. 35, 36, 44-45 ,51, 65, 79, 89, 117, 145, 155, 167, 187, 201-221, 231, 1^re de couv., bandeau)

4 photographes présumés coupables

En quittant les plateaux parisiens pour balader son objectif en Europe de l'Est, Marie Dhoste avait réussi à brouiller les radars. Mais cette maniaque de l'argentique, dont l'oeil embrase le moindre coin de terre ou de mer, a laissé trop de traces. Trop de preuves évidentes d'un talent qu'elle exerce désormais en Bretagne, (pp. 26, 130, 154,)

Il n'y a pas d'âge pour tomber dans l'engrenage. Nils Frison n'a pas vingt-cinq ans et déjà un book lourdement chargé. Comment un artiste aussi jeune peut-il avoir l'âme aussi pleine ? Sans doute à cause des démons qui, dès l'adolescence, l'ont envoyé trafiquer du plan, du cadre et de la lumière la plus pure dans les rues de Cardiff ou de Calgary. (pp. 66, 104, 164, 176, 196-197, 208-209, 214)

Un homme de main au Mans ? L'Âme au Diable n'a pas mis vingt-quatre heures pour s'offrir les services d'un caïd du cliché, Christophe Landier Drôle de Breton né en Normandie et sévissant dans le chef-lieu sarthois, là-même où, en 2022, fut battu le record du nombre de meurtres par département. Et comme par hasard, ce shooter d'élite n'aime rien moins que de tailler des silhouettes dans des décors urbains crépusculaires, (pp. 1, 26, 32- 33, 40-41, 52, 75,112-113, 183,232)

Après avoir trempé son pinceau dans les plus ténébreux pigments, le graphiste Cédric Nowak est revenu à son arme préférée : l'appareil photo, avec une prédilection pour les vieux calibres et les chambres noires. Inutile de préciser que ses modèles - de jeunes Ardennaises n'ayant pas froid aux yeux - tombent devant son objectif comme des mouches. Pensées comme des scènes de crime, les oeuvres de ce Champenois exquisément « mauvais genre » réussissent ce que les serial killers du monde entier ont échoué à accomplir : éterniser le coup fatal. (pp. 6-7, 98-99, 140, 146, 188, 202, 219, 222)