Le bagne des Annamites : les derniers déportés politiques en Guyane : essai
Le 6 mai 1931, aux abords du bois de Vincennes, on inaugurait l'une des attractions majeures de l'entre-deux-guerres : l'Exposition coloniale internationale. Au même moment, le Martinière, un vapeur français, quittait le port de Saigon dans le plus grand secret. Dans ses cales, cinq cent trente-cinq « indigènes » de dix-huit à trente-cinq ans, enfermés dans des cages de fer, droits communs et politiques mélangés, embarqués pour Cayenne.
Si la conquête de l'Indochine avait provoqué des révoltes impitoyablement réprimées, celles de la fin des années 1930 marquèrent l'irruption du nationalisme moderne puis du communisme dans la lutte anticoloniale qui, ultérieurement, triompherait à Bien Biên Phú. Confrontée à des grèves, des manifestations, des soulèvements, des mutineries d'une ampleur inconnue, la « Perle de l'Empire » répondait par une répression féroce : tortures, exécutions capitales à la chaîne. Au total, des milliers de morts et de prisonniers.
Dans ce contexte, le projet de transportation par le Martinière présentait, pour les autorités coloniales en place, de très nombreux avantages : désengorger les prisons, éloigner les fomenteurs de troubles, mettre à disposition une main-d'oeuvre pour des colonies en mal de peuplement comme la Guyane, dont le gouverneur de l'époque notait : « L'Asiatique et le Malgache sont plus intéressants que l'Arabe ; ils sont plus résistants au climat, plus travailleurs et plus sobres : c'est donc cet élément qu'il serait souhaitable de voir importer. » Ce qui sera fait.
D'interviews en dépouillement de journaux et en consultation d'archives, Christèle Dedebant a pu reconstituer la vie et le destin de ce demi-millier de bagnards « annamites », condamnés à défricher l'arrière-pays guyanais pour n'être libérés, quand ils avaient survécu, que dans les années 1960.
Tant d'histoires, petites et grandes, méritaient de sortir du néant. L'autrice s'y est magistralement employée.
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