Lettres roumaines, n° 3. Entrelacs

Lettres roumaines

entrelacs

Tel que j'étais là, penché au-dessus de la terre, j'avais une vision véritablement totale, circulaire, panoramique, je voyais d'innombrables recoins et cachettes, des bolges et des escaliers, des roues de torture avec des rayons qui tournaient, hystériques, déchiquetant les spectres qui voyageaient, aveugles, dans ces profondeurs de la honte et de la souffrance, éclaboussant d'un sang rose la dernière couche de terre devenue transparente, comme une mince vitre sous la pression de mes innombrables yeux cruels. Combien nous pouvons faire de mal à la terre ! Je l'effeuillais, la déshabillais comme j'aurais déshabillé une vieille de cent ans pour voir son corps décharné et flétri ! je voyais la terre dans l'entonnoir de son abîme, dans l'église renversée, avec ses fondations en surface et le clocher planté profondément dans le coeur de la planète où gelèrent tous les anges déchus et où, pourtant, le cristal brille de ses éclats les plus purs, clouant là, définitivement, ceux qui auraient pu atteindre de telles profondeurs...